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Retour à la citadelle d’Erbil

La ville d’Erbil est entièrement organisée autour de la citadelle qui la surplombe – voies en cercles concentriques, réseau en étoile. Pour l’étranger qui apprend à connaître la ville, elle est le repère par excellence. Connue pour être un des plus anciens ensembles de bâtiments au monde,  ses habitants tous évacués lui donnant un caractère fantomatique, et dans un état proche de la ruine, la citadelle fascine le voyageur – comme un passé qui vous regarde en silence.

Je m’interrogeai sur les difficultés qu’avait le gouvernement régional à lancer les travaux de rénovation de ce « patrimoine mondial de l’humanité » – travaux au point mort depuis quelques années après une évacuation difficile de ses habitants. On m’assura ici et là que ces difficultés traduisaient bien le peu d’efficacité d’une administration mal remise de son autonomie et des responsabilités qui en découlent. D’une certaine manière, elles expliquent aussi en partie la fièvre de construction de bâtiments neufs au Kurdistan que j’ai déjà évoquée dans ce blog : ce « on efface tout et on recommence » manifeste un rapport au temps non pacifié – en gros : la volonté de rupture marque la difficulté de rompre vraiment. Restaurer, à l’inverse, c’est se situer dans une histoire, avec ses continuités et ses dépassements, et j’ai le sentiment que pour la nation Kurde il est encore difficile de s’inscrire dans cette dialectique.

Au hasard de mes rencontres de rues, j’ai appris que la citadelle était exclusivement habitée par des Turkmènes. Les différents responsables kurdes que j’avais interrogés au sujet de la citadelle et de sa rénovation s’étaient bien gardés de me livrer ce détail. La citadelle est présentée comme un haut-lieu (dans tous les sens du terme) de l’identité kurde, son histoire est donc plus ambivalente que la signification qu’on entend lui donner.

Là où flotte aujourd’hui l’immense drapeau kurde, symbole de l’autonomie nouvelle, vivaient des Turkmènes. Peut-être est-ce dans l’assomption de cette complexité ethnique et historique que se trouve une voie vers la réconciliation des Kurdes avec l’Histoire, et, partant, l’avenir.


2 Réponses to “Retour à la citadelle d’Erbil”


  1. 1 merryabla64
    Mai 12, 2009 à 7:51

    Erbil et les Turkmènes.

    Les Turkmènes, peuple Oghuz turcs originaire d’Asie Centrale, sont arrivés en Irak (Mésopotamie) il y a environ 1500 ans. Ils sont arrivés en Irak par vagues successives. Ils ont gouverné et établi 6 états en Irak:
    1- l’Empire Seldjoukide (1055-1149)
    2- Les Atabegs (de Mossoul, Erbil et Kirkouk) (1149-1258)
    3- Les Ilkhanides (1258-1336)
    4- Les Jalairids (1336-1360)
    5- Les Barans (Qara Qoyunlu) (1360-1469)
    6- Les Bayindirs (Aq Qoyunlu) (1469-1508)

    Les Turcs Safawids d’Azerbaijan ont gouverné l’Irak (1508-1534) et (1623-1638)
    Les Turcs Ottomans ont gouverné l’Irak jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale (1534-1623) et (1638-1918)

    Les Turkmènes et Turcs ont gouverné l’Irak pendant 863 ans.

    L’identité turkmène de l’actuel nord de l’Irak était tellement évidente que le géographe européen William Guthrie dans sa célèbre carte du Moyen Orient publiée à Londres en 1785 a appelé la région du nord de l’Irak : « Turcomania ».

    Les Turkmènes ont beaucoup contribué à la civilisation irakienne. Sous les Seldjoukides, Nizam-ul Mulk, le premier ministre du Sultan Seldjoukide Melik Shah, a construit la première université dans le monde à Bagdad, en 1127: « Al-Mustansiriyya » qui existe encore aujourd’hui.

    Les Atabegs de Mossoul étaient les premiers à réagir aux grandes invasions européennes(croisades) qui ont duré 200 ans. L’Atabeg de Mossoul Nureddin Zengi a construit le minaret incliné de la mosquée en 1172, bien avant la tour inclinée de Pise en Italie.

    A Erbil, Muzaffereddin Gokboru (l’Atabeg des Beg Tigin Atabegs d’Erbil) a construit le « Chol Minare » (Minaret des steppes) à l’époque de l’âge d’or d’Erbil (centre de richesse, de prospérité et des sciences).

    A Kirkouk, le « Gok Kumbet » (Dôme bleu) est la tombe d’une princesse turkmène « Bugday Khatun » dans le Palais de Kirkouk entouré d’une école datant de l’époque de la principauté turkmène des Bayindir (Aq Qoyunlu) 1469-1508.

    La Citadelle d’Erbil, tout comme la citadelle de Kirkouk était habitée par des Turkmènes.

    En prétendant qu’Erbil et Kirkouk ont toujours été des villes kurdes, les Kurdes falsifient l’histoire du nord de l’Irak. Il s’approprient les monuments construits par les Turkmènes pour justifier leur implantation massive dans la région turkmène du nord de l’Irak appelée TURKMENELI.

    Sous le régime Baasiste les Turkmènes ont été victimes d’arabisation et depuis la chute du régime Baath ils sont victimes de kurdification.

    • 2 filsdabel
      Mai 13, 2009 à 6:24

      Bonjour,

      Votre participation est la bienvenue, et je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ce blog. Néanmoins, je me permets de vous rappeler quelques règles de la blogosphère : le commentaire doit être une réponse à ce qui est proposé, et non un article en soi. On ne juxtapose pas deux discours, mais on essaie de les mettre en dialogue. Sinon, on aboutit à une situation irakienne où chacun est porteur de sa vérité et ignore celle de l’autre.

      Pour vous le dire avec humour : l’auteur de ce blog existe, tout comme les turkmènes et tout comme les kurdes.

      Bien à vous

      Olyvier


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